Les Pèlerinages à Vézelay

Les Pèlerinages à Vézelay

Dernièrement nous sommes retournés à Vézelay, petite ville du département de l’Yonne en Bourgogne et Haut lieu de l’Art Roman avec sa basilique pleine d’enseignement.

Nos visites comme des pèlerinages .

Je pense que la visite que nous avons fait l’autre dimanche devait être la quatrième à ce site important pour moi et mon épouse . Les raisons en sont diverses, nous aimons l’Art Roman et l’architecture cistercienne comme vous pouvez le voir dans plusieurs articles de ce blog, de plus le cadre est exceptionnel avec la montée vers la basilique située sur une colline qu’on nome aussi la colline « inspirée », des souvenirs personnels sont attachés à cette balade. Enfin mes parents m’ont donné comme prénom celui de ce grand saint du Moyen Age, Saint Bernard de Clairvaux (1090-1153). Aller à Vézelay c’était aussi fouler les pas de cette personnalité qui a marqué toute l’Europe de son époque.

1964

Dans les années 60-70 on redécouvrait le Moyen Age et l’Art Roman à cause de sa simplicité, son retour aux sources et peut être par rejet de la flamboyance du Gothique. Les magnifiques livres aux Éditions du Zodiaque crées à l’abbaye de la Pierre-qui-Vire (dans le Morvan) ont sûrement été à l’origine de cette redécouverte de l’Art Roman.

La basilique dans la brume. Photo prise un matin d’octobre 1964

Dans le narthex, en 1964, la corde pour actionner manuellement les cloches …

1145

Au Moyen Age, il y a 1000 ans, Vézelay était le lieu de pèlerinage le plus important d’Europe, la population y venait très nombreuse, attirée par les reliques de Marie Madeleine, qui selon les Évangiles, a été la dernière à voir le Christ vivant . On imagine les pèlerins de toutes origines venir processionner dans cet immense construction. La longueur totale intérieure de la Basilique est de 120 m soit 7 m de moins que celle de ND de Paris .

Ce lieu a été le siège de nombreux monastères dont celui de Saint François d’Assise. En 1993, Vézelay voit le retour d’une communauté monastique catholique, avec l’installation aux abords de la basilique des fraternités monastiques de Jérusalem.

Ce sont des membres de cette communauté qui assurent les offices et les visites guidées. C’est donc le frère Daniel qui nous a fait découvrir les particularités de cet édifice. Lors de ses longs commentaires des questions m’ont intriguées .

Saint Bernard y a prêché la deuxième croisade .

L’histoire dit qu’ en mars 1145, lorsd’un grand rassemblement aux abords de la basilique, Saint Bernard venant de Clairvaux avec son immense notorité européenne, a appelé à la Croisade. Mais d’après notre guide Daniel il aurait hésité. Et cette petite réflexion a poussé ma curiosité, étonné de ce comportement « va en guerre » d’un saint que je vénere.

Statue de Saint Bernard sur le coté gauche de la nef

Comment Saint Bernard, ce moine réputé pour sa clairvoyance, son humilité a-t-il pu engager des milliers de personnes de tous niveaux dans un tel conflit loin des terres européennes ? Comment Bernard de Clairvaux, qui a dicté les règles de conduite non violentes des Templiers à Jérusalem a-t-il pu appelé à cette croisade ?

Explications

À la Noël de cette même année (1145), un concile se tient à Bourges, en présence du roi Louis VII ; il y est question de la possibilité d’une nouvelle croisade en Terre sainte pour secourir le royaume franc de Jérusalem, menacé par la poussée arabe à la suite de la chute d’Édesse un an auparavant. On pense à Bernard pour appuyer cette proposition et balayer tous les obstacles. Mais il refuse de prêter son concours à ce projet, tant que le pape n’aura pas fait connaître sa volonté. Louis VII doit donc se résigner à demander l’appui de l’autorité du pape. Le 1er mars suivant, Eugène III, d’abord hésitant sinon hostile à ce projet, lance une bulle qui est comme un appel aux armes, et il charge l’abbé de Clairvaux, qu’il connaît bien, de prêcher cette croisade.

Le 31 mars 1145, en présence du roi à Vézelay, Bernard enthousiasme la foule en faveur de cette cause….En 1146 et 1147, il prêche la « cause du Christ » en Flandre, puis en Allemagne, où il décide l’empereur Conrad III à prendre, lui aussi, la croix ; il s’emploie à favoriser l’entente entre les princes.

…Voilà bien la principale raison de l’engagement de Bernard : l’obéissance – l’obéissance au pape, qui avait été son novice, et par lui, l’obéissance à Dieu même. Pour lui, comme pour tous ceux qui font profession selon la règle de saint Benoît, l’obéissance est le moyen proposé pour retourner à Dieu, dont on s’est détourné par la désobéissance. ..

Extrait d’une conférence de Frère Gérard Joyau,ocso Abbaye de Scourmont 6464 Forges Belgique .

Ouf ! Ma vénération pour ce grand homme du Moyen Age reste intact . Il a refusé le nationalisme et rechercher de l’universalité . N’a-t-il pas chercher l’accord de la Flandre et de l’Allemagne et du Pape, représentant de toute l’Eglise, avant de s’engager ? Et puis au XXI éme siècle n’aurait-il pas été le défenseur des lieux saints à Jérusalem, du mur des Lamentations à la mosquée d’ Al-Aqsa en passant par le Saint Sépulcre ? (voir mon blog retour de Terres « Saintes »).

La tolérance pour des juifs et Vézelay

Notre guide, Daniel, nous a fait remarqué que les juifs, généralement condamnés comme déicides, responsables du meurtre du Fils de Dieu, ont dans le statuaire de Vézelay, une place particulière, innovante et plutôt tolérante pour l’époque de l’artiste. Ses explications ont attiré ma curiosité et je vous les propose. De plus j’ai retrouvé une étude de Viviane HUYS « Images des juifs à Vézelay entre condamnation et conversion » ( FKW// Magazine pour les études de genre et la culture visuelle NR 54//Fevrier 2013) qui converge avec les commentaires de notre guide.

Ce tympan représente la mission des Apôtres après la Résurrection, l’évangélisation au christianisme

Le tympan du narthex est exceptionnel par sa rareté et surtout par son enseignement de la vision qu’avait le Moyen Age du Monde. Ce tympan est consacré à la Pentecôte c’est à dire à l’appel du Christ (au centre) vers Apôtres pour évangéliser le Monde.

Autour du Christ, 8 scènes représentent les peuples de la Terre, selon la représentation qu’en faisait les gens du Moyen Age . Les différentes populations étrangères sont représentées comme des êtres bizarres avec des têtes d’animaux, les païens ! Seuls, auprès du Christ , en bas à gauche et à droite du tympan, le peuple juif semble avoir un autre statut, ils ont une place à part. Ils sont représentés ici comme des personnes, dont le salut est possible différemment des autres peuples.

Cette scène représente un juif avec son bonnet conique accompagné d’un roi au centre.

A gauche le compartiment des juifs. Jéroboam et le messager. Ce roi juif a été puni par dieu, en raison de son refus de stopper les sacrifices. Il perd la main droite, servant à juger et ordonner. Jéroboam est face à un messager de dieu, disposé à lui rendre sa main s’il obtempère. Ce caisson aborde plusieurs sujets en une seule représentation dont la conversion du peuple juif au christianisme.

C’est Judas qui représente le peuple juifs dans les chapiteaux. Par cupidité il a vendu le Christ et provoqué son meurtre. malgré cela il a droit au Salut.

Sur son arête gauche un chapiteau de la nef représente la pendaison de Judas et sur sa partie latérale droite un personnage dépend le même corps, tel un Pasteur tenant sur son dos sa brebis égarée.

1946

Notre guide nous a également fait remarquer les 14 croix installées tout le long de la nef qui dénotent quelque peu la sobriété du lieu.

Des volontaires de Suisse, du Luxembourg, d’Italie, de Belgique et d’Angleterre mais aussi d’Alsace ( 30 000) ont fait vœu de transporter à pied quatorze lourdes croix de bois et de converger le 22 juillet, jour de la Sainte Madeleine, pour gravir la colline jusqu’au parvis de la basilique.

La quinzième croix

Dans les campagnes de l’après-guerre, la figure du prisonnier de guerre allemand employé dans les fermes est familière. Protestants comme catholiques, ils seront nombreux à demander de s’associer au pèlerinage et confectionnent leur croix – la quinzième – avec les poutres d’une maison détruite par les bombardements. Elle est exposée dans le transept.

Le pèlerinage de la lumière

Autre particularité de Vézelay décrite par notre guide : le chemin de lumière.

En 1976 après plus de huit siècles, Hugues Delautre (1922-2008), l’un des pères franciscains chargés depuis 1966 de la desserte du sanctuaire de Vézelay, découvre que non seulement l’axe d’orientation de La Madeleine, mais aussi sa structure interne, ont été déterminés en tenant compte de la position de la terre par rapport au soleil. Chaque année la fête de Jean-Baptiste révèle les dimensions cosmiques de cette église : au plein midi du solstice d’été, quand le soleil est en culmination par rapport à la terre, la lumière venue des fenêtres sud projette des flaques lumineuses qui s’établissent dans le plein milieu de la nef avec une rigoureuse précision.

Il paraît que des centaines de personnes viennent redécouvrir ce phénomène qui démontre l’ingéniosité des constructeurs de Vézelay au XIIème siècle. Ils avaient dû observer longtemps le soleil pour orienter la basilique de façon à tracer ce chemin grâce aux hautes fenêtres de l’édifice et ainsi illuminer la foi des pèlerins .

Nous étions le 25 mai, un mois avant le solstice d’été, mais les 9 flaques de lumières étaient là.

Les pèlerins de 2021

Cette année 2021 les visiteurs profitent de la fête de la Pentecôte, du beau temps et surtout le desserrement du confinement anti covid. De plus ils découvrent la façade qui vient d’être restaurée. Il y a un an elle était encore enveloppée dans un énorme échafaudage. Il s’agit de la dernière étape de travaux qui aurons duré 4 ans.

Jour de la Pentecôte 2021

Sortie de la messe

Intérieur de la Basilique Sainte Marie-Madeleine, la nef romane et vue sur le Chœur gothique–

Pèlerinage au pieds des chapiteaux

Il y a 86 chapiteaux que l’on peut décrire. Lors d’une visite on ne peut s’arrêter devant chacun. Il est agréable de contempler le génie des artistes, leur esprit voire leur malice. Avec notre guide, Daniel nous avons admirer longtemps cette sculpture qui montre le passage de l’Ancien au Nouveau Testament. Le grain récolté par Moïse devient farine pour Saint Paul.

« Le moulin mystique »(Moïse et St Paul)

D’autres chapiteaux pleins d’enseignements

« Légende de Sainte Eugénie »
Fille d’un gouverneur, elle se promène avec deux de ses valets lorsqu’elle entend une prédication et des chants qui la ravissent. Elle décide alors de rejoindre les chanteurs, qui sont des moines, et de mener leur vie. Pour cela, elle se fait couper les cheveux, revêt des habits d’homme et prend le nom d’Eugène. Elle acquiert une grande renommée au sein du monastère, notamment par son pouvoir de guérir les malades.
Apprenant cela, une femme nommée Mélanthia, gravement malade, la fait venir chez elle. Eugènie la guérit, mais Mélanthia, persuadée d’avoir un homme en face d’elle, souhaite la récompenser en lui offrant ses charmes. Bien entendu Eugénie refuse, et la dame, humiliée, la fait traîner devant le tribunal en l’accusant d’avoir voulu la violer.
Près d’être jetée aux lions, en présence du gouverneur Philippe qui est son père, Eugénie décide de révéler la vérité : elle déchire sa tunique, montrant à la foule un sein qui n’a rien de masculin.

La sagesse et l’imprudence
Une femme drapée et auréolée est entre deux hommes nus.

Musique et impureté, musique profane et musique sacrée

La tentation d’Adam

Chapiteau de la façade (Photo de 1964)

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